Au Revoir, Monsieur Henquet
07.12.2023Sont rassemblés ici, par ordre chronologique, les différentes prises de parole marquant le départ à la retraite de M. Laurent Henquet, directeur de l’Institut entre 2001 et juillet 2023.
Discours prononcé par Hans Gys, directeur-adjoint et Anne-Sophie Braibant, directrice-adjointe
lors du dernier jour d’école avant les examens entourés des 1500 élèves
Monsieur Henquet, chers collègues, chers élèves,
Aujourd’hui est un jour particulier. C’est le dernier jour entier de cours pour tous les élèves sous la direction de M. Henquet. Certains d’entre vous l’ont connu 1 an, d’autres plusieurs années. Certains de vos parents l’ont eu comme professeur et il part juste à temps avant que les grands-parents des élèves ne le reconnaissent. Eh oui, cela fait longtemps qu’il est à Saint-Louis… Permettez-moi donc de faire une brève historique de sa carrière :
En 1980, 7 mois après la naissance de M. Gys et 4 mois avant la naissance de Mme Braibant, M. Henquet obtient son agrégation après plusieurs années d’études universitaires pour devenir professeur d’Education physique. L’année d’après, à l’âge de 23 ans, il commence sa carrière à Institut Notre-Dame à Beauraing. Cette carrière sera vite interrompue par un passage obligatoire à l’armée. Vous comprenez à présent d'où vient le mot d'ordre "Silence dans les rangs".
Nous ne savons pas exactement ce qu’il s’est passé lors de son service militaire mais il en sort avec une nouvelle vocation : professeur de religion. Il enchaine quelques intérims avant d’entamer des études de sciences religieuses, diplôme qu’il obtient en 1984.
En 1983, il entre à l’Institut Saint-Louis pour y donner cours de religion et d’Education Physique. Il est aussi en charge d’une activité d’« essai » en 1ère : le latin. Il aime tellement donner ce cours qu’il entame les études universitaires « langues classiques » et en 1988, après 4 ans d’études, il pourra officiellement donner les cours de latin et de grec. A l’âge de 30 ans, avec 3 diplômes universitaires en poche, M. Henquet quitte la vie estudiantine pour se consacrer entièrement à l’enseignement à Saint-Louis.
En 1997, quand M. Gys vient de terminer sa rhéto, M. Henquet rentre pour la première fois à la direction pour remplacer à mi-temps le directeur-adjoint en place, M. Feller. Et puis en septembre 2001, il devient le nouveau directeur de Saint-Louis et le restera jusqu’au moment où je vous parle. 22 ans à diriger une école qui n’a fait que grandir et se développer à tout point de vue.
Ceci dit, pendant 6 années, de 2014 à 2020, nous l’avons un peu moins vu. En effet, il tenait à défendre l’enseignement à un niveau un peu plus haut. C’est ainsi qu’il est devenu député wallon à la Fédération Wallonie-Bruxelles en charge notamment des dossiers sur l’enseignement. Il a débattu avec les parlementaires et les ministres à longueur de journée pour défendre la cause de l’enseignement. Sa vision était claire : si on veut devenir quelqu’un, si on veut être heureux, il faut faire des efforts et exploiter les talents qui sont au fond de nous. Rien ne tombera du ciel. Tenez-en compte lors de vos examens. Nous pouvons enseigner, épauler, encadrer… mais c’est à l’élève de faire l’effort de connaitre et de maitriser la matière.
Chers élèves, chers professeurs, vous comprenez que nous avions envie de mettre à l'honneur notre Directeur. Toute sa carrière, il a œuvré pour que notre école connaisse la réputation qu'on lui attribue aujourd'hui : une école où règnent rigueur et discipline et où chaque personne qui en fait partie a une place à part entière.
M. Henquet, avant de laisser la parole aux rhétos, nous tenons, au nom de toute la communauté scolaire de Saint-Louis, à vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour nous. L’Institut Saint-Louis de Namur se porte à merveille est c’est en grande partie grâce à vous !
Jean-Marie Gyselinx (Rhéto 1970), Président du Pouvoir Organisateur de l’Institut,
a pris la parole avant la proclamation des Rhétos de la Promotion 2023 :
Je présume que vous êtes très impatients de voir débuter une proclamation qui va s’inscrire comme un temps fort de votre histoire familiale.
C’est que vous arrivez, chers Rhétos, à un moment charnière de votre parcours scolaire et probablement de votre parcours de vie puisque celui-ci sera forcément tributaire de l’orientation que vous choisirez au terme de votre passage à Saint-Louis.
J’espère que les années passées ici et les valeurs que vous y aurez cultivées seront des atouts précieux pour vos apprentissages futurs et, plus tard, pour votre entrée dans la vie professionnelle.
Je vous souhaite donc bonne chance pour l’avenir.
Je tiens aussi à vous remercier, Chers Parents, au nom du Pouvoir Organisateur de l’Ecole pour la confiance que vous avez témoignée à une Institution qui s’est efforcée, avec la collaboration des enseignants, à mettre en œuvre les moyens logistiques mais aussi et surtout humains nécessaires au cursus harmonieux de vos enfants.
Je n’irai pas au-delà sur ce chapitre car je manquerais à mes devoirs en ne mettant pas en exergue ce soir un évènement qui va s’inscrire dans la longue histoire de l’Institut Saint-Louis.
Mais peut-être êtes vous déjà au fait de cet évènement puisqu’aussi bien les élèves du secondaire ont récemment réservé une immense haie d’honneur à Laurent HENQUET qui, arrivé à l’âge de la retraite, met un terme à sa longue carrière à Saint-Louis.
J’ai eu le privilège en tant que parent d’élèves, puis d’Administrateur et enfin de Président du Pouvoir Organisateur, de côtoyer Laurent et, pour faire simple, je puis vous dire sans verser dans des propos dithyrambiques, qu’il a fait du bon travail ; du très bon travail.
L’éclectisme de Laurent se révèle à la seule évocation de son cursus ; titulaire d’un diplôme en éducation physique il fait ses premières armes à l’ Institut Notre Dame du Sacré Cœur à Beauraing puis après de courts passages à l’IATA, à Liège et à Seilles Laurent fait son entrée à Saint-Louis en septembre 1983 ; c’est manifestement le coup de cœur puisqu’il ne quittera plus l’école si ce n’est entre juin 2014 et mars 2020 dans le cadre d’un congé politique pour exercer son mandat de député wallon et de la communauté Wallonie Bruxelles.
En 1984, Laurent Henquet obtient le certificat requis pour dispenser le cours de religion puis en 1988 un diplôme en philologie classique qui lui ouvrira les portes de l’enseignement du latin et du grec.
Parcours atypique s’il en est et illustration parfaite du fameux adage : « Mens sana in corpore sano ».
Mais Laurent ne s’arrête pas là ; il s’est découvert un profil managérial et en janvier 1997 postule le poste de sous-directeur à mi-temps puis après un remplacement de Maurice Hambursin est nommé Directeur le 1er septembre 2003.
J’ai eu l’occasion d’auditionner Laurent à plusieurs reprises à l’occasion de ses différentes postulations et j’ai toujours été impressionné à l’instar de ceux qui m’accompagnaient dans cet exercice par la qualité du projet éducatif de Laurent et par l’investissement humain qu’il se déclarait prêt à lui apporter.
Quel meilleur hommage lui rendre aujourd’hui qu’en lui disant : merci Laurent, mission accomplie.
Tu as respecté ta promesse en œuvrant sans compter pour le développement de l’Institut et l’épanouissement intellectuel et humain de ceux qui le fréquentaient.
Tu as su t’entourer de collaborateurs de qualité et tu es parvenu à créer véritablement un esprit d’équipe en permettant à chacun de s’exprimer dans tout son potentiel.
Tu as de la sorte incarné les vertus d’un vrai chef en reconnaissant le travail de chacun au sein de cet établissement et en lui permettant de donner le meilleur de lui-même.
Au-delà de tes qualités pédagogiques et managériales tu as aussi pendant toutes ces années laissé libre cours à la créativité de l’entrepreneur qui sommeillait en toi en n’ayant de cesse d’encourager les projets architecturaux qui se sont concrétisés sous ta Direction et qui offrent aujourd’hui à toute la communauté éducative un outil de qualité au service des élèves.
Mission accomplie, disais-je tout à l’heure ; tu peux quitter ta fonction l’esprit serein : fier du travail accompli et confiant dans l’avenir car tu as eu la sagesse de bien préparer à la tâche celui qui va te succéder et qui va incarner une gouvernance rajeunie mais respectueuse de ce qui a été construit dans le passé.
C’est désormais notre ami Hans GYS qui tiendra la barre avec l’aide de la déjà expérimentée Anne-Sophie BRAIBANT et du petit nouveau Romain PIRON. Nul doute que cette équipe est prête à relever le défi et il sera de taille face aux inconnues et aux réelles inquiétudes que laisse planer le Pacte d’Excellence.
Bonne chance à eux …
Puissent-ils porter haut le pavillon de Saint-Louis comme tu l’as bien fait, Laurent.
Si bien fait que je vous suggère à tous d’associer à mon immense merci une belle ovation pour notre toujours jeune retraité. Ovation que je vous invite à étendre en guise d’encouragements et de remerciements à la nouvelle équipe de Direction et plus largement encore à toute la communauté éducative de Saint-Louis.
Discours de pension en honneur à Laurent Henquet
Lors d’un discours de pension, on retrace souvent de façon chronologique le curriculum du jeune retraité. Je ne vais pas déroger à cette règle, mais j’essayerai d’insérer quelques traits de Laurent que vous ne connaissez peut-être pas. En même temps, je ne vais pas aller trop loin dans mes descriptions empiriques et hypothèses psychanalytiques car les discours sur les anciens directeurs sont toujours publiés et sauvegardés dans les archives. Les anecdotes, vraies ou légendes, ce sera autour d’un verre au bar donc.
J’avais d’abord écrit mon texte en latin en hommage à notre professeur de langues classiques, mais certains d’entre vous n’allaient pas comprendre. Du coup, je l’ai traduit en français, mais il reste quelques traces de la langue de Cicéron. Mea culpa.
Comme tout le monde, et a contrario de ce que certains pourraient croire, sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille. A fortiori, quand on nait Carolo... Comme nous tous, Laurent a dû se battre pour se faire une place dans la société et il considère l’Ecole, lato sensu, comme étant au centre de tout développement humain et intellectuel.
C’est dans cette optique qu’il est devenu professeur : éducation physique, religion, latin et grec. La combinaison peut sembler bizarre mais avec l’adage Mens sana in corpore sano en tête on comprend vite la logique. Chaque être humain a besoin d’une bonne santé physique, spirituelle et intellectuelle.
L’enseignement pour lui est surtout une chance, une opportunité, un ascenseur social ... Une possibilité pour chaque jeune de s’instruire, de socialiser, de se former, d’être éduqué et d’apprendre à s’investir, à s’organiser. Et donc, de facto, à bien s’armer pour affronter dans les meilleures conditions possibles la vie familiale, sociale, professionnelle... Bref la vie d’adulte.
Mais l’élève doit se battre. Vita pugna est, surge pugnaque. Dans sa conception, on n’a pas le droit de lâcher. Et chaque dernière miette d’énergie doit être utilisée pour avancer, soit pour se sortir du pétrin, soit pour améliorer sa situation actuelle. Il avait du mal avec les personnes qui se laissaient abattre ou ne saisissaient pas les mains tendues.
Dans cette petite introduction, vous pouvez déjà entrevoir les prémices de son libéralisme social ou, d’après certains de ses amis, son socialisme libéral. Pour faire simple, voire simpliste, le libéral : sévère mais juste, dur mais droit, on mérite ou on ne mérite pas, on fait comprendre, manu militari s’il le faut... ; le social : aider les plus faibles, les plus démunis, ceux qui souffrent à s’en sortir ou passer cette période compliquée... quitte à sortir de son rôle et de se plier en quatre.
Beaucoup le connaissent grosso modo sous son aspect libéral. Id est, in concreto, silence dans les rangs, ordre dans la classe, tu écoutes ou je te fais écouter. Mais aussi une organisation au top, rien n’est laissé au hasard, la communication est optimale, une efficacité hors norme, on écoute puis on tranche et on avance. Le travail est une condition sine qua non de la réussite ou, pour utiliser un credo libéral qui lui colle très bien : “Le travail c’est la santé, ne rien faire c’est la bousiller !”.
Mais son aspect social est beaucoup plus développé que certains ne pourraient croire. Professeur ou directeur, l’être humain était toujours à l’avant-plan mais il aidait discrètement.
Je vous donne l’exemple d’un élève de rhéto en plein décrochage et qui doit s'assumer seul dans un studio. C'est difficile logistiquement et financièrement. Laurent lui a proposé de repasser au réfectoire chaque fois à 16h30 pour récupérer un repas non servi, un reste de soupe, des fruits non mangés... Cela a permis à cet étudiant de réussir sa rhéto... Puis, Laurent a également aidé à rénover l’appartement d’une élève qui vivait sans ses parents. Le soir, le week-end, il allait plafonner, peindre... Les exemples sont nombreux, je ne peux pas tous les citer.
Laurent est également un collègue loyal et attentionné. Plusieurs d’entre nous ont reçu le soutien de Laurent aux moments les plus difficiles de leur vie. Il était toujours là, pour nous, pour nos familles. C’est ainsi qu’au décès de Jacques Latouche, prof d’Education Physique, Laurent était en Italie. Jacques et Laurent partageaient le métier de prof d’Education Physique, leur amour pour l’Italie, la Toscane, son huile d’olive, dont Jacques s’était fait une spécialité. Quand Jacques est décédé brusquement une nuit, Laurent a repris le premier avion possible – et ce fut compliqué de trouver une place libre en pleine saison – parce qu'il voulait absolument être présent à l'enterrement pour soutenir Nelly, l'épouse de Jacques, et leur fils. Il voulait être là pour prendre la parole lors des funérailles, ce qu'il fit magistralement ! Il a ensuite repris l'avion en sens inverse pour rejoindre famille et amis. Une histoire parmi tellement d’autres...
Chers collègues, comme vous le savez, Laurent a œuvré pendant des décennies au sein du corps professoral ou à la direction au service des élèves... Mais plusieurs inepties provenant de la Communauté Française l’agaçaient au plus haut point. Comme un saumon, il nageait à contre-courant d’une forme de pensée unique qui dénigrait toute critique. Il a commencé à écrire des pamphlets dont un a été sujet à une enquête initiée par le ministère. Il était surveillé de près, ses arguments pertinents dérangeaient, ipso facto, certains.
Du coup, soit il restait directeur tout en continuant à appliquer les circulaires avec lesquelles il était en désaccord... soit il fallait remonter jusqu’à la source et se lancer dans la politique. C’est ce qu’il fit en 2014, aux élections régionales et communautaires. Les lapins blancs sont rares en politique mais ce 25 mai 2014 la vox populi avait parlé et, après quelques palabres, il est projeté, ex nihilo, au Parlement Wallon. In absentia du candidat effectif, le suppléant Deus ex machina descend donc sur la scène politique pour représenter ex professo l’enseignement. Il est resté parlementaire pendant 6 ans et il est toujours conseiller communal à l’heure actuelle.
Entre-temps, il faisait bien-sûr autre chose que l’enseignement et la politique : voyages, restos, cyclisme...
En effet, outre rouler à vélo nous-mêmes, nous avons passé de bons moments à analyser les classiques et les grands tours : de Cancellara à Gilbert, de Contador à Remco. On se mettait a posteriori dans la peau des directeurs sportifs pour dire ce qu’ils auraient dû faire. Toujours facile quand la course est terminée et qu’on connait le résultat, mais l’avantage est qu’on a toujours raison.
Laurent, c’est carpe diem et noctem en même temps. Un vrai épicurien au sens commun du terme, même si le qualificatif utilisé aujourd’hui ne fait plus référence à la vraie philosophie d’Epicure. Il aimait les bons restos, le vin de qualité, les apéros à rallonge... Par contre, ses amis de table étaient plus embêtés par son modus operandi habituel : il aimait taquiner les serveurs et serveuses des restos qui récitaient leur texte sur la provenance du vin servi par cœur, en leur posant l’une ou l’autre question piégeuse à laquelle ils ne savaient pas répondre. Ceci dit, il s’est adouci ces dernières années.
Adouci, c’est un peu l’adjectif qui est revenu au niveau de son directorat. En effet, en 2020, ex abrupto, il revient à la direction de Saint-Louis. Son œuvre n’était pas terminée. Il devait constater in situ si l’équipe suivante était réellement prête pour diriger ce fameux paquebot qu’est Saint-Louis. Après 3 ans, il a vu que c’était bon... Reveni, vidi, abivi ! Le capitaine pouvait prendre sa retraite sereinement.
Et l’avenir ? Il cuore di Lorenzo è in Italia. Il vino, il sole, i paesaggi... Ha visitato quasi tutte le grande città, tutte le regioni. Può immergersi nella storia e nella cultura latina e italiana con molta naturalezza e facilità. A volte mi domando perché lui rimane ancora qui con noi. Forse la presenza di una donna ?
Cher Laurent, au nom de toute la communauté de Saint-Louis : duizendmaal dank, mille mercis, grazie mille, gratias maximas tibi !
Ton alter ego,
Hans Gys